Mise en forme des inox austénitiques et duplex : différences clés et recommandations industrielles
1. Rappel métallurgique : austénitiques vs duplex
1.1. Structure cristallographique
- Austénitiques (ex. 304, 316) : structure entièrement FCC (cubique à faces centrées) → excellente ductilité grâce à un fort allongement, faible limite d’élasticité.
- Duplex (ex. 2205, 2507) : structure biphasée ~50 % austénite / 50 % ferrite → meilleure résistance mécanique (limite d’élasticité et résistance max) mais allongement réduit.
1.2. Conséquences sur la mise en forme
- Austénitiques : plus faciles à déformer, mais sensibles à l’écrouissage rapide et à la formation de martensite induite par la déformation à froid (pour les nuances fortement alliées en Cr/Ni faibles).
- Duplex : limite d’élasticité élevée, nécessitant des efforts de formage supérieurs et une maîtrise de la répartition des contraintes pour éviter fissuration et amorces de criques.
2. Comportement en formage plastique
2.1. Pliage et cintrage
- Austénitiques :
- Très bonne aptitude au pliage (rayon intérieur ≥ 1× épaisseur pour la plupart des nuances).
- Attention à l’écrouissage : un retour élastique marqué peut nécessiter une surcompensation.
- Risque de fissuration transversal si taux de déformation trop élevé.
- Magnétisme plus ou moins important des zones déformées
- Duplex :
- Rayon minimal recommandé ≥ 2,5× épaisseur pour éviter micro-fissuration.
- Risque de fissures en ferrite si le formage est trop sévère.
2.2. Emboutissage profond
- Austénitiques : excellents candidats grâce à leur grande ductilité et faible limite d’élasticité.
- Duplex : beaucoup moins adaptés → risque de striction localisée ; préférez des opérations progressives ou préchauffage modéré (≤ 200 °C) pour améliorer la formabilité.
2.3. Laminage à froid
- Austénitiques : écrouissage important → attention aux déformations résiduelles ; un recuit de recristallisation peut être envisagé. Possibilité d’avoir une tôleavec des propriétés mécaniques supérieures à celles de l’état hypertrempé.
- Duplex : écrouissent moins mais leur limite d’élasticité élevée rend le laminage plus exigeant.
3. Contraintes thermiques et métallurgiques
3.1. Recuit de restauration
- Austénitiques : recuit 1 050 – 1 100 °C suivi d’un refroidissement rapide pour restaurer la ductilité et dissoudre la martensite.
- Duplex : recuit 1 040 – 1 080 °C impératif si le formage a entraîné une perte de ductilité ; éviter tout séjour prolongé dans la zone 600 – 950 °C (précipitation des phases intermétalliques → fragilisation).
3.2. Soudabilité post-formage
- Austénitiques : très bonne soudabilité.
- Duplex : contrôle de l’apport thermique pour préserver l’équilibre austénite/ferrite.
4. Normes et recommandations industrielles
- Normes de référence : EN 10088-2 (produits plats inox), ASTM A240.
- Rayons minimaux et conditions de formage : se référer aux guidelines fabricants (ex. Outokumpu, Aperam).
- Utiliser des lubrifiants adaptés (particulièrement sur duplex pour réduire les frottements).
- Pour les duplex, éviter les déformations > 15 % sans recuit intermédiaire.
5. Cas d’usage concrets
- Austénitiques : cuves, échangeurs de chaleur, emboutissage de pièces complexes.
- Duplex : pièces structurelles sous pression, équipements offshore (exigence résistance mécanique + corrosion).
Conclusion et conseils pratiques
- Privilégier les austénitiques pour les pièces à forte déformation plastique (emboutissage profond, formage complexe).
- Réserver les duplex aux applications nécessitant haute résistance mécanique et corrosion, en limitant la sévérité des opérations de formage.
- Anticiper les recuits et rayons de pliage plus importants sur duplex pour limiter fissuration.